Témoignage

Dans le texte qui suit, Luc (prénom d’emprunt) nous livre un témoignage éclairé sur quelques-unes des étapes qui ont jalonné son parcours de vie avant, pendant et après la rue.  Instructif à plus d’un titre, nous nous garderons de toute analyse ou commentaire sur le texte ; préférant laisser au lecteur le soin de puiser dans cette mine d’informations les éléments utiles à sa réflexion et à d’éventuelles adaptations de pratiques ou de politiques.

«  J’aurai voulu vous parler de ma vie à la rue ; le comment et pourquoi.
Mon cas personnel n’intéresse que les gens qui s’occupent des personnes qui se trouvent avec des problèmes sociaux.
Si j’ai connu la rue, c’est à cause de problèmes psychologiques, de parents inexistants et parfois même à cause d’assistants sociaux qui me connaissaient mal et aussi de bêtises personnelles.Pour moi, la vie en maison d’accueil est impossible pour des raisons psychologiques, c’est un psychiatre à Tournai qui m’en a expliqué la raison (probablement le meilleur médecin que j’ai eu).
Il y a aussi un grave problème, c’est que pour les gens dont je fais partie qui sont exclus du marché du travail, les maisons d’accueil coûtent trop cher en Belgique et les SDF sont prisonniers et incapables d’épargner pour une garantie locative.

Un jour où plus rien n’allait je me suis retrouvé aux Pays-Bas, à Rotterdam plus précisément. Là-bas, un séjour en maison d’accueil coûte 3€, en Belgique 17€.

Pour épargner pour une garantie locative (puisque le CPAS ne voulait pas m’aider), j’ai donc choisi la rue.  Je me suis inspiré des explorateurs Alain Hubert et Frison Roche qui partirent dans des milieux bien plus hostiles que la Belgique et aussi du très beau film de Kevin Costner « Danse avec les loups » ; bien sûr c’est de la fiction, mais il y avait quelques passages intéressants, comme par exemple si j’allais m’acheter une arme, j’ai réfléchis, non, qu’est ce que j’en ferais.

J’avais tout le matériel, sac de couchage dans lequel l’ont peut dormir quand il gèle. Mais le plus terrible, c’est la pluie, le matin tout est mouillé, c’était pénible et puis il fallait tout le temps courir d’un endroit à un autre. D’abord à Télé-service ou la Fontaine pour prendre une douche, changer de vêtements et puis chercher un resto social pour se nourrir convenablement.

Je dormais dans la forêt de Soignes, bien que ce soit interdit, je faisais cela pour me protéger des voyous qui agressent les sdf.
J’ai été agressé 4 fois.

Par temps clair je regardais les étoiles et me disais : « hum, peut être  que sur une autre planète cela doit fonctionner autrement ».

Il y a même dans cette misère deux épisodes amusement. Un matin alors que je rassemblais tout mon matériel, j’entendis du bruit, c’était un couple qui faisait l’amour. Et moi, stupide, je les ai chassés ; c’était ma forêt.

Un autre épisode, un soir j’avais envie de dormir dans un lit, je me suis donc présenté à l’asile de nuit. Là, tout le monde se bouscule pour rentrer, moi je suis resté derrière, j’étais mi-figue mi-raisin.  A un certain moment, un des responsables m’a demandé ce que je venais faire, j’ai répondu « c’est pour dormir » et je suis rentré.

A la fin cela devenait trop pénible, il y a même des situations dont j’ai honte, je faisais feu de tout bois, il me fallait un logement décent.

Pour cela je dois remercier le travail de Diogènes qui a agit pour cela via une société d’agence immobilière sociale. Cela dure depuis 4 ans et ce n’est pas toujours facile.  Il y a des périodes de crises.

Pour terminer je voudrais dire que j’ai une très mauvaise image des CPAS qui sont en première ligne pour interpeller le pouvoir politique  mais ne le font pas ».


Luc.

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