Dispositif hivernal/La recherche - Winteropvang/Het onderzoek

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Urgence Hivernale - L’ouverture d’un centre d’hébergement

Etterbeek, hiver 2010-2011

Enjeux pour le quartier et les différents acteurs impliqués

RESUME

Lucie Martin et Quentin Dardenne, asbl DIOGENES

 

 

Introduction

Cela fait maintenant plusieurs hivers que des centres d’hébergement d’urgence de nuit sont ouverts pendant les mois les plus rudes de l’année. Cet hiver, dans le quartier de La Chasse, à Etterbeek, le Samu Social a aménagé fin novembre un Centre d’une capacité d’accueil de plus de trois cents personnes, destiné à des hommes seuls. L’installation du Centre s’est faite de manière quelque peu problématique, à ses débuts du moins. Ce n’était pas la première année que l’ouverture d’une structure similaire posait des problèmes de voisinage. Afin de comprendre les enjeux d’une telle installation, une recherche-action fut réalisée, dont voici les idées principales.

Problématique

La recherche porte non seulement sur les enjeux de l’installation du Centre pour le quartier, mais aussi, plus largement, sur les implications de l’ouverture d’un tel Centre pour les différents acteurs concernés, de près ou de plus loin, par celui-ci : hébergés et travailleurs du Centre, habitants et commerçants du quartier, acteurs communaux, acteurs du secteur sans-abri. Plus spécifiquement, trois aspects centraux sont abordés : les attitudes du voisinage à l’égard de l’installation du Centre ; les relations que les différents acteurs  tissent entre eux et les représentations qu’ils se forgent les uns des autres ; les modalités d’appropriation de l’espace par les hébergés du Samu à Etterbeek. Approcher ces différentes dimensions offre l’occasion, dans un deuxième temps, de retirer des bonnes pratiques. Avant de présenter ces aspects, quelques précisions méthodologiques sont indispensables.

Démarche et méthode

Cette recherche résulte de trois mois d’enquête ethnographique. La démarche dont elle procède est inductive et compréhensive. Elle se base avant tout sur du matériel qualitatif issu des observations et des entretiens individuels et collectifs réalisés avec de nombreuses personnes. Dans la mesure où la réalité existe notamment au travers du regard qui est porté sur elle, c’est à dire au travers des représentations, les analyses se basent sur les décalages entre ce qui se donne à dire et ce qui se donne à voir, entre les discours des acteurs et leurs pratiques. Les bonnes pratiques sont, elles aussi, dégagées des différentes rencontres : il s’agit de prendre au sérieux le discours des acteurs et de leur rendre une voix - c’est reconnaître qu’ils ont des réponses, des tentatives de réponses, des réponses anticipées. La recherche-action suppose qu’il existe une continuité entre « savoir expert » et « savoir profane » : il ne s’agit alors pas seulement de réaliser une recherche sur, mais une recherche avec, dans les limites des possibilités offertes. La réalisation de celle-ci s’est produite dans un temps relativement court, qui, au côté de certaines difficultés rencontrées, en modèle les limites.

Analyses

Lors de son installation, le Centre a provoqué de nombreuses réactions et remous dans le quartier. Les rencontres avec les riverains révèlent certes des réactions variées, entre contestation, tolérance et acceptation, mais celles qui se font le plus entendre manifestent d’abord l’expression d’un rejet. Les plaintes formulées concernent les incivilités et le sentiment d’insécurité dus à la présence des personnes sans abri dans le quartier. Les habitants et commerçants dénoncent les nuisances sonores, la saleté, le squattage de certains bâtiments, les vols et agressions qu’ils attribuent aux hébergés du Centre. Ils regrettent de ne pas avoir été prévenus et pensent que le lieu, dans un quartier résidentiel et commerçant, à proximité d’une crèche, d’une école et d’un centre sportif n’est pas approprié pour accueillir un tel Centre. Ces réactions relèvent en grande partie de ce que l’on appelle communément le phénomène NIMBY : « la sympathie à l’égard des sans-abri peut être générale, on peut souhaiter une intervention, mais pas à côté de chez soi » (Damon, 2002 : 83).

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ces attitudes : la proximité géographique, l’intensité de l’opposition diminuant en fonction de l’éloignement géographique; les caractéristiques des destinataires du projet et les représentations que s’en font les différents acteurs ; la structure sociale du quartier hôte ; la nature de l’installation (la taille, le nombre, le mode de fonctionnement, l’apparence, la réputation), et enfin, le climat, le contexte de l’installation du Centre dans le quartier[1]. Ces différents facteurs, qui forment un tout organique dont les éléments s’influencent et découlent les uns des autres, méritent un approfondissement.

Ainsi, le contexte de l’installation du Centre n’est pas sans incidences sur la manière dont il a pu être reçu. Parce que l’installation s’est faite dans l’urgence, non par mauvaise volonté des acteurs mais par difficulté de trouver un bâtiment, les riverains n’ont pas été prévenus, ni informés sur le mode de fonctionnement du Centre et sur le public accueilli. Compte tenu de cette absence d’information, l’arrivée du Centre est vécue comme une « imposition » par les habitants et par les autorités locales. Ces derniers parlent de « politique du fait accompli » et se sentent victimes d’un jeu de manipulation politique. Les tensions lors de l’implantation et le manque de communication qui s’en suivra sont autant d’attitudes négatives qui rejaillissent sur les usagers du Centre.

L’implantation pose d’autant plus problème que le Centre accueille un public particulier, en grand nombre. Ce sont des sans-abri, hommes, seuls, plutôt jeunes. Ils font échos ou s’écartent, dans une plus ou moins grande mesure, des représentations que se font les habitants du quartier du public sans abri. Ces représentations (côté habitants) guident les attitudes de rejet, de tolérance ou de compassion que l’on peut manifester à l’égard des usagers du Centre. Elles se fondent généralement sur la dichotomie classique qui parcourt l’ensemble de la société, entre bon et mauvais, entre vrai et faux sans abri, distinction réalisée sur base de cinq critères : l’âge, la nationalité, l’apparence physique, le degré d’addiction et le comportement déviant (Loison-Leruste, 2009). Cette distinction est celle qui permet, dans les discours des habitants, de faire le tri, parmi le public accueilli, entre ceux pour lesquels un secours semble légitime et ceux qui ne mérite pas l’assistance. En outre, elle s’appuie sur des représentations qui témoignent d’une méconnaissance, de la part des riverains et des commerçants, de la population sans-abri. Les stéréotypes sont nombreux et prennent pied sur un socle de rumeurs non avérées, sur une lecture simplificatrice des signes renvoyés, et d’ailleurs souvent partagés par les acteurs communaux qui ne sont pas en contact avec le public.

Si les discours de rejet sont ceux qui s’entendent le plus fréquemment, ils ne sont pourtant pas formulés par l’ensemble des habitants. Les acteurs qui se mobilisent contre la présence du Centre sont peu nombreux et généralement connus des autorités communales. En effet, dans le quartier, tout le monde ne dispose pas de la même légitimité à parler et à être entendu. Les attitudes de rejet sont exprimées généralement par des personnes, souvent propriétaires ou commerçants, dont l’attachement au quartier et à sa réputation est fortement prononcé. L’existence d’un tissu social d’interconnaissance, d’une « communauté homogène imaginée » (Rea & al., 2004), qui participe de la logique villageoise du quartier, renforce l’attitude de rejet à l’égard du Centre. L’installation de celui-ci doit, en effet, être comprise comme un enjeu identitaire pour les habitants d’un quartier en déclin où les discours sur les incivilités et l’insécurité sont autant de témoins de la dégradation du quartier. Parce qu’« une part de l’identité sociale se construit à partir de la réputation attachée aux lieux de résidence » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989 : 44), l’installation du Centre est ressentie comme un sabotage des actions mises en place pour revitaliser le quartier et intensifie le sentiment de déclassement déjà existant. L’usage, par les habitants, du discrédit -notamment via des comparaisons animalières- et de la suspicion, permet de réinstaurer de la distance sociale, là où on la sent de plus en plus menacée. Les discours stigmatisants sur les hébergés sont le reflet de ceux sur les étrangers, à qui l’on attribue la responsabilité des transformations du quartier. Les nuisances qu’occasionne le Centre sont ressenties comme des offenses territoriales (Goffman, 1973) et montrent combien l’espace public n’est pas, dans l’esprit des riverains, sans propriétaires (Rea & al, 2004).

Enfin, le fonctionnement particulier du Centre dans le quartier ne permet pas de déconstruire les préjugés, au contraire, il les renforce. La priorité accordée à l’hébergement laisse peu de place à la rencontre avec l’environnement. Le Centre – « boîte noire », est une métaphore souvent utilisée dans le quartier pour rendre compte du manque de communication vers l’extérieur.  Le modèle du « Centre-enclave », qui fonctionne en autarcie, est décrié. Tout comme les représentations, le fonctionnement particulier de l’infrastructure définit le champ des possibles en matière de contact avec l’extérieur. Ce modèle, à grande capacité d’accueil, qui ouvre le soir pour fermer la journée, ne permet pas une implication du quartier et de ces habitants vis-à-vis du Centre. Les contacts ayant été établis passent par la mise en place d’un dispositif policier, sécuritaire et préventif, qui, certes nécessaire dans le cadre de cette organisation, participe de l’image du sans-abri dangereux, irrespectueux, sauvage. Le fonctionnement du Centre, sa capacité d’accueil et le turn-over du public sont donc des éléments qui limitent grandement la rencontre, premier pas vers une interconnaissance, une déconstruction des préjugés et une possible intégration des personnes hébergées dans le quartier. L’absence d’information sur le public qui y est accueilli laisse alors libre court à l’imagination des habitants qui, sur base d’une lecture des signes et des apparences tirent des conclusions : des profiteurs, des faux sans-abri seraient hébergés en nombre. Ces représentations, pourtant inadéquates sur le public, délégitiment alors la présence du Centre aux yeux des habitants.

Le climat de l’installation, les caractéristiques du Centre et du public accueilli, les caractéristiques du quartier, de ses habitants et de ses commerçants, les représentations des différents acteurs concernés par l’installation du Centre sont donc autant d’éléments mis en évidence par les rencontres sur le terrain et qui permettent d’expliquer « l’intégration » particulière du Centre dans le quartier de La Chasse, les attitudes, les relations et les représentations des différents acteurs.

En ce qui concerne l’appropriation du territoire de La Chasse par les hébergés, plusieurs constats peuvent être réalisés. Tout d’abord, la problématique de la présence des sans-abri n’est pas neuve dans le quartier, elle suscite, avant l’arrivée du Centre, des tensions de cohabitation, comme par exemple l’occupation des sas des banques la nuit. L’arrivée du Centre vient alors raviver et intensifier une problématique déjà présente sur le territoire. Mais la question de « l’ancrage » des sans-abri à La Chasse relève d’avantage de l’inquiétude que de la réalité, car la très grande majorité des usagers du Centre ne restent pas dans le quartier mais retournent dans le centre-ville. Lorsqu’ils sont présents, c’est aux alentours des heures d’ouverture et de fermeture du Centre et concentrés principalement aux arrêts de tram et devant le Centre. Ceux qui restent dans le quartier en journée sont ceux qui y étaient déjà présents avant l’installation du Centre. D’autres s’y arrêtent quelques heures, principalement dans les bars du quartier, le matin ou le soir. Compte tenu de ces éléments, l’appropriation, qui renvoie « à la question de la pratique et de l’usage de l’espace » (Liagre 2010 :101) n’est pas uniforme mais variable et plus ou moins légitimée, selon les lieux, les personnes, les usages, les comportements, etc. Ainsi, les lieux d’occupation et de fréquentation des personnes sans abri dans le quartier, et qui concernent, outre l’espace public, des lieux semi-privé semi-public (sas banques, bars etc.) sont disputés, partagés, appropriés, en fonction de la légitimité que les personnes ont à y être présentes.

 

L’organisation particulière du dispositif hivernal et l’ouverture du Centre à Etterbeek n’ont cependant pas que des implications pour le quartier, elles concernent aussi les hébergés et les travailleurs du Centre. Les témoignages de ceux-ci montrent, pour tous, les difficultés que pose la capacité d’accueil du Centre. Le nombre important d’hébergés est source de tension, les violences de certains envers les travailleurs ou les autres hébergés sont courantes et difficiles à gérer. Des « logiques claniques » s’instaurent et les discours racistes fusent- le centre d’hébergement étant un véritable témoin de la concurrence des précaires. Les frustrations sont alors nombreuses, chez les travailleurs comme chez les hébergés. Dans les conditions d’un accueil d’abord hôtelier, la place accordée au travail social est limitée, les orientations sont compliquées, faute de temps, de moyens. La précarité de la nuit et l’insécurité de la place n’offre pas la stabilité nécessaire à la recherche de solutions à long terme, à une sortie du cercle (alors vicieux) de l’immédiateté, de la logique de l’urgence. Cette situation est lourde de conséquences sur le moral des travailleurs qui voudraient en faire plus, sur celui des hébergés qui essayent de trouver des solutions à leurs problèmes. Ils questionnent et critiquent le fonctionnement général de l’aide aux sans-abri : la sélectivité de l’aide en hiver qui s’arrête au printemps est dénoncée, le modèle de l’urgence sociale tel qu’il est organisé est remis en cause. Le cadre général semble, pour ces derniers, faire partie du problème, le dispositif est décrit comme un « calmant », comme de la « médication » qui soulage un temps mais ne soigne pas, comme un dispositif qui « bouche les trous » mais ne règle rien, bref comme des « emplâtres sur des jambes de bois ».

L’ensemble des acteurs s’accorde pour dire qu’une capacité d’accueil de trois cents personnes est trop importante. La métaphore de « l’usine sociale » est employée par tous les acteurs, usagers, travailleurs, riverains, secteur sans-abri, et montre combien ces critiques font consensus par rapport à l’organisation de l’accueil hivernal - des critiques qui dépassent l’organisation locale du Centre et dont les responsabilités n’écartent pas les politiques et les médias.

L’ensemble de ces discours montre alors la sélectivité de la compassion (Loison-Leruste 2009) qui s’exprime de plusieurs façons. La compassion est d’abord sélective parce que saisonnière. Elle l’est également dans l’esprit des citoyens qui différencient la légitimité de l’attribution de l’aide en fonction de certains traits dont les sans-abri sont ou non porteurs et qui les classent selon les oppositions bons vs mauvais, vrais vs faux sans-abri. Une sélectivité qui dépend aussi des modalités de l’installation du Centre, des nuisances qu’il suscite et de l’inscription identitaire des habitants dans leur quartier.

Conclusion – vers des bonnes pratiques

La totalité de la recherche met en avant certaines logiques qui permettent de mieux comprendre les enjeux pour les différents acteurs, de l’ouverture, en hiver, d’un centre d’hébergement à grande capacité d’accueil dans un quartier. Les analyses présentées, issues des nombreuses rencontres, esquissent, et c’était là le deuxième objectif du travail, le contour de bonnes pratiques. Celles-ci sont des perspectives ouvertes à la discussion, elles constituent donc des pistes de réflexion.

Ces bonnes pratiques se situent à différents niveaux de changement et d’action : local, communautaire, sectoriel, global. Elles peuvent, très concrètement, être dégagées de l’organisation pratique de cet hiver, ou prendre en compte, plus généralement, des critiques beaucoup plus larges énoncées par les différents acteurs. Elles s’élaborent autour d’une série de mots clés : prévision, consultation, communication, concertation, transparence, implication et sensibilisation.

Généralement, les discours et analyses proposés montrent la nécessité de quitter le modèle de « l’usine sociale » : parce qu’il engendre des inconvénients pour tous et soulève de tels  paradoxes qu’il est indispensable de le remettre en question. D’une part, des Centres de plus petites tailles et disséminés dans la ville permettraient par exemple de limiter en grande partie les problèmes mis en évidence. Plus encore, des alternatives aux centres d’hébergement « classiques », par exemple directement articulées autour du logement, qui prendraient en compte les paradoxes que le système soulève, devraient être mises sur pied.

Si l’abri de nuit a une raison d’être en lui-même, il ne prend pleinement son sens qu’en faisant partie d’un vaste dispositif d’aide sociale avec lequel il doit maintenir des liens étroits pour permettre d’offrir un véritable tremplin vers l’accompagnement. L’ensemble des acteurs témoigne de la nécessité d’articuler le travail d’hébergement d’urgence hivernal à un travail d’accompagnement psychosocial sur le long terme. Le dispositif se doit donc d’être global et réticulaire. Il est important que les conditions d’une collaboration effective soient mises en place.

L’organisation du dispositif hivernal doit, en outre, en tenant compte de son environnement, impérativement dépasser la logique de la « boîte noire », du modèle « Centre-enclave » qui fonctionne en autarcie. L’installation d’un Centre ne peut se faire dans l’urgence, elle nécessite un travail d’information, de consultation, et d’implication des acteurs locaux et des habitants. Développer les projets mêlant Centre et quartier permettrait de recréer une forme de proximité qui, par la mobilisation des capacités collectives, renforce le quartier dans une expérience positive. L’installation d’un Centre peut alors devenir une occasion de dépasser les préjugés et de créer du lien social.

Dans la mesure où les représentations guident les pratiques et définissent le champ des possibles en matière de contact, un travail de sensibilisation et d’information est  indispensable. En transmettant de meilleures connaissances sur le public sans-abri, les pouvoirs publics peuvent contribuer à améliorer sa prise en charge.

Enfin, ces bonnes pratiques n’ont de sens que si elles s’insèrent dans une logique globale cohérente. La lutte contre le sans-abrisme, tout comme l’organisation d’un dispositif hivernal, ne peuvent être pensés de manière cloisonnée. A l’heure où les préoccupations se tournent vers l’urgence de l’urgence sociale, il semble avant tout important de prendre la mesure des enjeux globaux dans lesquels ces questions s’inscrivent. Parce que la problématique du sans-abrisme est intiment liée à celle du logement, prendre des mesures structurelles en la matière doit être une priorité.

Penser de la sorte, c’est alors préférer une approche préventive qui agit d’abord sur les causes plutôt que sur les conséquences. C’est aussi, politiquement, préférer un gouvernement qui garantit à tous, l’accès à leurs droits, plutôt qu’un gouvernement humanitaire qui panse les souffrances et dont la compassion est toujours sélective.

 

[1] Ces éléments sont ceux repris par Loison-Lerustre (2009) pour expliquer l’intensité du phénomène Nimby, combinés à ceux que le terrain a révélé centraux.

 

 

 

Nederlandse versie

 

Urgentie in de winter – De opening van een opvangcentrum

Etterbeek, winter 2010-2011

Inzet voor de wijk en voor de verschillende betrokken actoren


SAMENVATTING

Lucie Martin en Quentin Dardenne, DIOGENES vzw

 

Inleiding

Enkele jaren geleden startte men met de opening van centra voor dringende opvang gedurende de koudste maanden van het jaar. Deze winter opende de Samusocial een centrum voor dringende opvang voor mannen in de wijk “La Chasse” in Etterbeek, en dit met een capaciteit van ongeveer driehonderd personen. De inplanting van het centrum verliep in het begin niet gemakkelijk. Het was niet het eerste jaar dat het openen van een dergelijke structuur problemen stelde met de buurt. Om te begrijpen wat de opening van zulk een winteropvang met zich meebrengt werd er een actie-onderzoek verricht, hieronder vindt u de belangrijkste bevindingen.

De problematiek
Het onderzoek handelt over de gevolgen van de inplanting van dergelijke structuur op de wijk, maar ook, meer in het algemeen over de gevolgen voor de verschillende actoren, zijnde: de gebruikers, de sociale werkers van het centrum, bewoners en handelaars van de wijk, de gemeente, de sector thuislozenzorg. Meer in het bijzonder worden er drie centrale aspecten aangekaart : de houding van de buurt tegenover de inrichting van het centrum ; de relaties die de verschillende actoren onder elkaar aangaan en de voorstellingen die men van elkaar heeft ; de wijze waarop de gebruikers van het centrum zich de ruimte eigen maken.  De benadering van deze diverse aspecten maakt het mogelijk in een tweede tijd goede praktijken voor te stellen. Alvorens hier op in te gaan belichten we de methodologie.

Aanpak en methode
Het onderzoek is het resultaat van drie maand etnografisch onderzoek. Dit onderzoek was uitgebreid en inductief. Het baseert zich in de eerste plaats op kwalitatief materiaal uit observatie en individuele en collectieve gesprekken met een groot aantal personen. In die mate dat de realiteit bestaat doorheen de wijze waarop men haar ziet, t.t.z. de voorstellingen die men van haar heeft, baseren de analyses zich op het onderscheid tussen wat men zegt en wat men doet. De aanbevelingen voor goede praktijken vloeien ook voort uit de verschillende ontmoetingen : het gaat er om de verhalen van de diverse actoren ernstig te nemen en hen een stem te geven  - erkennen dat zij antwoorden hebben, aanzetten tot antwoorden, voorafgaande antwoorden. Dit actie-onderzoek gaat er van uit dat er een continuïteit bestaat tussen de kennis van de expert en de kennis van de leek. Het gaat er dus niet alleen om onderzoek te doen over, maar ook onderzoek te doen met, binnen de gegeven beperkingen. De beperkingen zijn de relatief korte termijn waarop het onderzoek heeft plaatsgevonden en een aantal moeilijkheden die we ondervonden.

Analyses
De inrichting van het Centrum heeft voor veel reacties en opschudding gezorgd in de wijk. De ontmoetingen met de buurtbewoners onthullen een veelheid aan reacties, van protest, tolerantie en aanvaarding, maar de meest luidruchtige zijn in eerste instantie die van afwijzing. De geformuleerde klachten gaan over (grove) onbeleefdheden en het gevoel van onveiligheid voortvloeiend uit de aanwezigheid van thuislozen in de wijk. Bewoners en handelaars klagen over geluidsoverlast, achtergelaten vuil, het kraken van sommige gebouwen, diefstal en agressie toegeschreven aan gebruikers van het centrum. Ze betreuren het dat ze niet werden geraadpleegd en denken dat de plek, in een residentiele – en handelswijk, vlakbij een kinderdagverblijf, een school en een sportcentrum niet geschikt is om zulk een centrum in te planten. Deze reacties vinden hun oorsprong in wat gemeenzaam het NIMBY-syndroom wordt genoemd : niet in mijn achtertuin.
Verschillende factoren kunnen deze houding verklaren : de geografische nabijheid, de intensiteit van de weerstand verminderd naarmate men geografisch verder verwijderd is ; de eigenschappen van diegenen die gebruik maken van de opvang en de voorstellingen die men maakt van de verschillende actoren ; de sociale structuur van de wijk waar het centrum wordt ingeplant ; de aard van het centrum (grote, aantal, wijze van functioneren, het uitzicht, de reputatie), en tenslotte, het klimaat, de context van de inplanting van het centrum . Al deze verschillende factoren vormen een organisch geheel die elkaar beïnvloeden en verdienen nader bekeken te worden.
De context waarin zulk een centrum wordt geopend heeft een invloed op de manier waarop hij wordt ervaren. Het Centrum werd haastig ingericht. Niet door slechte wil, maar door de moeilijkheid een geschikte locatie te vinden. Hierdoor werden de buurtbewoners niet ingelicht, noch over de nakende inplanting, noch over de werking en het publiek dat werd opgevangen. Door dit gebrek aan informatie hebben de buurtbewoners en de lokale overheid het gevoel dat hen iets wordt “opgelegd”. Deze laatsten spreken van een politiek van “voldongen feiten” en voelen zich het slachtoffer van politieke spelletjes. De spanningen en gebrek aan communicatie op het ogenblik van de inplanting van het centrum zullen een invloed hebben op de negatieve houdingen die ontstaan m.b.t. de gebruikers ervan.
De inplanting zal nog meer problemen veroorzaken omdat het een zeer specifiek publiek opvangt en in groten getale. Het gaat om eerder jonge, alleenstaande mannen.  Ze zijn een weerspiegeling, of net niet, van de voorstellingen die de wijkbewoners zich maken van thuislozen. Deze voorstellingen voeden de afwijzing, de tolerantie of het mededogen dat men kan hebben ten aanzien van de gebruikers van het opvangcentrum. Over het algemeen vallen ze uiteen in de klassieke verdeling die men in de maatschappij kan vinden : tussen goeden en slechten, echte en valse thuislozen. Een tweespalt gebaseerd op 5 criteria : leeftijd, nationaliteit, uiterlijk, de mate van verslaafdheid en het afwijkende gedrag (Loison-Leruste, 2009). Dit onderscheid maakt het de buurtbewoners mogelijk het opgevangen publiek te sorteren in zij voor wie bijstand legitiem lijkt en zij die geen hulp verdienen. Dit steunt o.a. op voorstellingen die getuigen van gebrek aan kennis betreffende thuislozen vanwege de buurtbewoners en handelaars. Men heeft een stereotiep beeld van thuislozen, gebaseerd op geruchten, verkeerd geïnterpreteerde signalen, en vaak gedeeld door de lokale overheid die geen contact heeft met het publiek.
De boodschap van afwijzing wordt het vaakst gehoord, maar wordt zeker niet gedeeld door alle buurtbewoners. De actoren die zich actief verzetten tegen het centrum zijn niet groot in aantal en meestal bekend bij de lokale overheid. In de wijk heeft niet iedereen dezelfde legitimiteit om te spreken of gehoord te worden. De personen die het centrum afwijzen zijn over het algemeen handelaar of eigenaar, en hun gehechtheid aan de wijk en haar reputatie is groot. Het bestaan van een “ingebeelde homogene gemeenschap”, een sociaal netwerk, dat deelneemt aan de “dorpslogica” van de wijk , versterkt de houding van verzet tegen het centrum.  De inplanting van het opvangcentrum moet dus gezien worden als een aanval op hun identiteit en dat in een wijk die reeds in achteruitgang is en waar de klachten over onbeleefdheden en onveiligheid in dit licht moeten geplaatst worden. Omdat “een deel van de identiteit gebaseerd is op de reputatie van de wijk waar men woont” (Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989,44) wordt de inplanting van het centrum aangevoeld als een vorm van sabotage van de acties die worden georganiseerd om de wijk te doen herleven en versterken ze het reeds bestaande gevoel van achterstelling. Het discrediteren – o.a. via de vergelijking met dieren – en het achterdochtig zijn, creëren weer sociale afstand, daar waar men zich steeds meer bedreigd voelt. Door stigmatiseren van de gebruikers van het centrum, net zoals men dat doet bij buitenlanders, legt men de oorzaak van het veranderen van de wijk bij hen. De overlast dat het opvangcentrum met zich meebrengt wordt gezien als een territoriale aanslag (Goffman, 1973)) en tonen hoe zeer de openbare ruimte in de ogen van de buurtbewoners toch zijn eigenaars heeft. (Rea & al, 2004).
De werking van het opvangcentrum binnen de wijk laat niet toe vooroordelen te bestrijden, integendeel, ze worden nog versterkt. De prioriteit die gegeven wordt aan de opvang laat geen ruimte voor ontmoeting. Het centrum – “zwarte doos”, is een vaak gebruikte metafoor in de buurt die getuigt van het gebrek aan communicatie naar de buitenwereld. “Het enclave-centrum”, dat zelfvoorzienend werkt, wordt vaak afgekeurd. De specifieke manier van werken van het opvangcentrum definieert de mogelijkheden tot contact met de buitenwereld. Het gebruikte model, een grote opvangcapaciteit die ’s avonds opent en overdag gesloten is, maakt het onmogelijk voor de buurt en de buurtbewoners om er betrokken bij te zijn. De contacten die wel gelegd werden hebben betrekking op de politie, de veiligheid en preventie, en alhoewel zeker noodzakelijk, bevestigen ze het beeld van de thuisloze, gevaarlijk, zonder respect en wild. De werking van het centrum, de capaciteit, het wisselende publiek, zijn dus elementen die de mogelijkheid tot ontmoeting sterk verminderen. Dit terwijl ontmoeting de basis is tot wederzijdse kennismaking, het afbreken van vooroordelen en een mogelijk integratie van de gebruikers van het centrum in de wijk. Het gebrek aan informatie over het onthaalde publiek  laat dan ook vrij spel aan de verbeelding van de buurtbewoners die op basis van slecht begrepen signalen en uiterlijkheden besluiten trekken : profiteurs en valse thuislozen zouden in groten getale worden opgevangen. Deze voorstellingen, hoe onaangepast ook, breken de legitimiteit van de aanwezigheid van een opvangcentrum af.
Diverse elementen hebben dus bijgedragen bij de “integratie” van het opvangcentrum in de wijk “La Chasse” , de houding ertegenover, de relaties die de actoren onderling hebben en de voorstellingen die men maakt:  het klimaat bij de inrichting, de karakteristieken van het centrum en van het opgevangen publiek, de kenmerken van de wijk, haar bewoners en handelaars, de voorstellingen van de verschillende actoren.
Op het vlak van het zich eigen maken van het territorium “La Chasse” door de gebruikers van het centrum kunnen er verschillende vaststellingen gedaan worden. Allereerst moeten we vaststellen dat de aanwezigheid van thuislozen niet nieuw is in de wijk, er deden zich reeds voor de komst van het centrum spanningen voor, zoals bijvoorbeeld het bezetten van de inkom van banken gedurende de nacht. De komst van het centrum wakkert deze problematiek aan. Maar het vraagstuk van het zich verankeren in de wijk van thuislozen is eerder een vorm van ongerustheid dan een realiteit, de meerderheid van de gasten van het opvangcentrum blijven overdag niet in Etterbeek, maar keren terug naar het centrum van Brussel Stad. Als ze aanwezig zijn dan is dat bij de opening en sluiting van het opvangcentrum en aan de tramhaltes. Zij die toch in de wijk blijven deden dat al voor de komst van het centrum. Anderen blijven enkele uren, vooral in de bars, ’s morgens en ’s avonds. Het gebruik van de ruimte is dus niet uniform maar varieert, en wordt in meerdere of mindere mate gelegitimeerd naar gelang de plaats, de persoon, de gebruiken, de gedragingen, enz. De plaatsen die thuislozen gebruiken en bezoeken in de wijk en die publiek of semi-publiek zijn (banksas, bars, …) worden dus betwist, gedeeld of zich eigen gemaakt in functie van de legitimiteit van de aanwezigheid van de persoon. 
De specifieke organisatie van de winteropvang en de opening van het centrum van Etterbeek hebben niet alleen een invloed op de wijk, maar ook op de gasten en de sociale werkers in het centrum. De getuigenissen van de gebruikers en sociale werkers tonen de moeilijkheden die de grote capaciteit van het centrum met zich meebrengt. Het grote aantal gasten zijn een bron van spanningen, geweld tegenover sociale werkers en onder elkaar komt vaak voor en is moeilijk te beheersen. Een logica van “clans” vindt zijn ingang, net als racisme – het centrum wordt een getuigenis van de concurrentie onder de meest zwakken. Er zijn veel frustraties, zowel bij de sociale werkers als bij gebruikers. De hotelfunctie primeert en de plaats voor sociaal werk is beperkt, doorverwijzen is moeilijk, bij gebrek aan tijd en middelen. Het gebrek aan zekerheid over het hebben van een bed biedt niet de mogelijkheid tot het vinden van een oplossing op lange termijn, het uitbreken uit de vicieuze cirkel van de onmiddellijkheid, het uitbreken uit de logica van de urgentie. Deze situatie weegt zwaar op de sociale werkers en op de opgevangen personen die een oplossing trachten te vinden voor hun problemen. Ze stellen vragen bij en geven kritiek op het algemeen functioneren van de hulp aan thuislozen : de selectiviteit van de hulp in de winter die stopt in de lente wordt aan de kaak gesteld, het urgentiemodel zoals nu georganiseerd wordt in vraag gesteld. Het algemene kader van dat urgentiemodel maakt voor hen deel uit van het probleem en de winteropvang wordt omschreven als een kalmeringspil, iets wat de gaten opvult maar niets oplost, kortom als een pleister op een houten been.
Het geheel van de actoren zijn het er over eens dat een centrum met 300 personen te groot is. Zowel de gebruikers, de sociale werkers, de buurtbewoners als de sector spreken van een “sociale fabriek” en hun kritiek overstijgt de organisatie van het specifieke centrum in Etterbeek en ze sparen de politiek en de media niet.
Het geheel van de verhalen toont de selectiviteit van het mededogen (Loison-Leruste, 2009), dat op meerdere manieren wordt geuit. Het mededogen is in de eerste plaat selectief want seizoensgebonden. Ze is het ook in de geesten van de burgers die de legitimiteit van hulp doet afhangen van sommige kenmerken van thuislozen en hun indeelt in goede en slechte, valse en echte. Een selectiviteit die afhangt van de perceptie die ze hebben van het opvangcentrum.
Besluiten – Naar goede praktijken
Het onderzoek brengt een aantal elementen aan het licht die toelaten de inzet voor de verschillende actoren bij de inplanting van een opvangcentrum beter te begrijpen. De voorgestelde analyses, uitgewerkt op basis van vele ontmoetingen, tekenen de contouren van goede praktijken, tegelijkertijd de tweede doelstelling van dit actie-onderzoek. Deze goede praktijken staan open voor discussie, ze zijn dus voornamelijk denkpistes.
De goede praktijken bevinden zich op diverse niveaus van verandering en actie : op het lokale vlak, het gemeenschappelijke, het sectoriele, het globale. Ze vloeien zeer concreet voort uit de praktische organisatie deze winter en meer algemeen uit de veel bredere kritiek uitgaande van de verschillende actoren.  Ze ontwikkelen zich langsheen enkele sleutelwoorden : vooruitziendheid, raadpleging, communicatie, overleg, transparantie, betrokkenheid en sensibilisatie.
In het algemeen tonen de verhalen en de analyse de noodzaak af te stappen van het model “sociale fabriek” : omdat het zo veel nadelen heeft voor alle actoren en zo’n grote paradoxen met zich meebrengt is het noodzakelijk dit model in vraag te stellen. Anderzijds is het zo dat kleinere centra, verdeeld over de gemeenten zouden toelaten een groot deel van de problemen te beperken. Meer nog, er moeten alternatieven voor de klassieke vorm van opvang op poten gezet worden, gericht op het hebben van een woonst.
Nachtopvang is zinvol, maar wordt dat pas echt wanneer het zijn plaats vindt binnen een brede waaier van sociale hulpverlening waarmee het nauwe banden moet hebben om een echte springplank te worden naar begeleiding. Het geheel van de actoren getuigt van de noodzaak tot het afstellen van het werk van de dringende winteropvang op een werk van psychosociale begeleiding op lange termijn. Wat opgezet wordt moet dus globaal zijn en in netwerk functioneren. Het is belangrijk dat de voorwaarden voor een goede samenwerking worden gecreëerd.
De organisatie van de winteropvang moet rekening houden met zijn omgeving en de logica van “de zwarte doos” overstijgen. De inrichting van een centrum mag niet in zeven haasten gebeuren, het is noodzakelijk een werk van informatie, raadpleging en betrokkenheid van de lokale actoren en bewoners op te zetten. Het ontwikkelen van projecten waarin zowel het centrum als de wijk betrokken zijn kan een zekere nabijheid creëren door het mobiliseren van capaciteiten, en de wijk versterken doorheen een positieve ervaring. De inplanting van een opvangcentrum kan dan een gelegenheid worden om vooroordelen te overstijgen en sociale banden te creëren.
We hebben gezien hoe voorstellingen die men zich maakt een invloed hebben op het leggen van contacten, het is dan ook noodzakelijk te investeren in sensibilisatie en informatie. Door het informeren over thuislozen kan de overheid bijdragen tot een verbetering van hun begeleiding.

Tenslotte, deze goede praktijken krijgen pas ten volle betekenis wanneer ze ingeschreven worden in een globale en coherente logica. De strijd tegen thuisloosheid, net zoals de organisatie van de winteropvang kunnen niet uitgedacht worden achter muren. Op het ogenblik dat men zich bekommert over de urgentie van de sociale urgentie lijkt het vooral belangrijk de kijken naar de bredere context. Want de problematiek van de thuisloosheid is onlosmakelijk verbonden met die van huisvesting, het nemen van structurele maatregelen op dat vlak moet een prioriteit zijn.
Wanneer men zo denkt geeft men de voorkeur aan preventie en het werken aan de oorzaken eerder dan aan de gevolgen. Het is ook, politiek, de voorkeur geven aan een overheid die de toegang tot rechten aan iedereen garandeert, eerder dan een humanitaire overheid die het lijden wil verzachten en waarvan het mededogen selectief is.

 

 

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